Poésie



S’adonner à la parole, c’est s’éprendre d’une beauté qui ne pourra jamais passer. Rien n’y prépare que l’hommage rendu à la terre, l’hommage à genoux, celui qui ne s’embarrasse d’aucune cérémonie et refuse toute parade. Sans mots, aurions-nous vraiment vécu ? Sans le cri, sans la fièvre, sans le don, aurions-nous vraiment aimé ?

La maladie du sensible, qui hante l’homme, attise ses passions. Sa raison y doit tout entière succomber. L’émotion n’éclate que libérée du joug de la pensée. Elle amadoue, elle irrigue, elle submerge l’intelligence. Tout génie ne peut s’évertuer qu’à scruter les jeux qui le charrient au grand large.

Le poème ne répond qu’aux silences de la beauté. Que l’homme se laisse déporter, et ses ressources d’opiniâtreté, de patience, ses puissances mêmes de créativité ne feront qu’endiguer le torrent, embaumer la plaie qui cristallise blanche. Cet homme broyé de contradictions, cet homme suffocant d’indigence, qu’un mot le précède sur son chemin de transhumance !

Tout émoi n’accomplit qu’un instant trop court. Ce qui seul reste, c’est ce qui trépigne, ce qui palpite et cherche coûte que coûte à passer. Et comment cela ne tournerait-il pas au vertige ? Et comment cela ne tournerait-il pas au poème ? La splendeur est enfin ce qui crie quand tout se tait, ce qui dévoile le ciel en dédaignant toute preuve.

La beauté à l’échéance du feu, c’est cette folie qui transcende l’homme dès qu’il s’arrête une simple minute à sentir en lui monter le langage.