Hommage à Saint-John Perse (I)


Hommage ! Hommage à la Vivacité divine ! (AMERS, IX, 2)


Hommage ! Hommage au Prince en marche parmi nous !
Hommage ! Hommage au Chantre en transe devant nous !
Ô Saint-John Perse,
cette aisance que tu arraches aux turbulences de ton destin,
cette audace que tu attaches aux jeux sorciers de ton langage,
récitation éducatrice de l’intelligence,
révélation consolatrice de l’indigence,
nous sont baume au cœur dans le bonheur si juste de t’écouter

croître vers la plus haute solitude dans l’opulence et l’amour,
et croître encore dans ce miracle d’alluvions, de sédiments
qui s’épaissit à chaque page de notre étonnement,
ô toi qui à ce point pus connaître et susciter

cette présence qui est vigueur au for de l’âme,
cette rigueur qui est patience au for du drame
de l’homme, ton pareil, ton semblable,

ô prosateur irréfutable,
ô instructeur infatigable de nos consciences étriquées !

Et la Splendeur est ton Royaume,
quand la caresse immense de ton style évente mille passions
dans la figuration des aubes embrassées,
dans la profusion des rondes imagées,
sur cette ligne de l’horizon sans fin réinventé.

Et toute la mer se répand dans la verve de tes pages
et toute la mer se repaît aux berges de ton empire
mer publique
mer intime
oui flamme d’une abondance créée pour la réverbération.

Ô Saint-John Perse, que la mort
n’a pu exiler dans la mémoire des songes,
les mots que tu arranges descellent l’ignorance des siècles affamés.
Sous l’apparat d’un style intarissable,
à chaque strophe de ton poème,
à chaque brèche de notre émerveillement,
ce chant, ce chant gorgé de métaphores phosphorescentes !

Et j’étais seul quand s’éleva le spasme d’un tel prodige,
et j’étais homme quand s’éleva au-delà de tout vertige,

cette Ode forte dans l’évidence,
cette Ode nue dans l’apostrophe de l’éclat !

Hommes bruts jamais
jamais ne connaîtrons-nous plus de défaillance
que ne puisse combler cette aube pure, cette aube simple,
cette aube immense qui brûle
dans le métal de son incandescence !