Soir

Nous connaissons tous ce sentiment de solitude épurée face à la pointe du soir qui s’installe. Une sorte de tristesse épuisée allume tous les bougeoirs du ciel. On se sent comme écrasé sous la profusion des lumières. Le Soleil implose dans la dilatation d’une rondeur devenue accablante. Et cette rougeur a monstrueusement raison du jour, comme si le temps s’était effondré dans son incandescence. Oh combien nous fascine cette splendeur qui tord l’immensité à l’instant même de succomber !

Percés jusqu’au cœur, nous subissons les assauts du drame dans les arènes d’un combat perdu d’avance. La langue la plus simple nous interroge du plus profond des âges. Avons-nous assez souffert pour franchir les abîmes ? Bientôt, il faudra léguer nos corps au sommeil. Dans l’abandon du silence, il faudra confier nos souffles au dormir. C’est un mystère que le soir suffise à fissurer la lourde carapace qui obstinément nous obstrue.

Enfin, la nuit gagne et les défenses tombent.
Enfin, la blessure s’épanche dans l’ardente coulée de l’âme.
Il s’agit de glisser nu dans la poussière des songes.
Vraiment, il s’agit de grandir dans le regard du monde.