Hommage à Saint-John Perse (III)


…Toujours il y eut cette clameur,
toujours il y eut cette spendeur (EXIL, III)



Dès les premières vagues, ô Poète,
comme une ovation au bonheur d’exister,
cette brise
cette brise portant
portant au plus haut rang l’honneur de notre espèce,
espèce besogneuse,
espèce comblant la faille

de ses angoisses,
de ses frayeurs instruites dans le texte même de sa chair,
espèce longeant l’absurdité de son destin
qui est borné par la mort (ah oui ! la mort nous borne !)
espèce frayant l’absurdité de son chemin
qui est fermé par la mort (ah oui ! la mort nous ferme !).

Dès les premiers accords, ô Poète,
cette brise
cette brise portant
portant la plus haute crue à sa splendeur native,
crue n’ayant cure
de vaincre ni de plaire,
mais qui se lève, magnifique et blanche,
à la rencontre du Ciel ouvert.

Car le corps est vérité,
car le corps est vérifié,
faveur de chair sous l’afflux de la vie,
ferveur de vie sous les flots de la chair,
et le corps partage ses douceurs dans l’éblouissement de sa substance.

« La grandeur s’inclinera, ô mon amour,
comme le poème sur la félicité des eaux ».
Noblesse divine, la mer
la mer lâchant ses salves sur la terre soudaine des hommes,
sur la terre des humains.

Ainsi te dérobes-tu à mesure que tu te donnes, ô fluidité,
et le poème plonge sa nudité dans ta beauté femelle,
et le poème plonge sa volupté dans ta bonté rebelle,
ô partage de l’intimité consommée,
transparence sous la cohorte des passions.

Et cette brise !
Cette force en toute humilité
quand l’âme abdique pour ne plus habiter
qu’un radeau de chair calcinée.
Bonheur de peau dans l’exil des corps,
chaleur de corps dans l’asile des peaux,
extase nue au plus haut point de l’évidence !

Qu’il est beau ce mûrissement qui monte des profondeurs,
patience à chaque lunaison,
patience à chaque couvaison,
lorsque le dieu enfoui lentement déborde la chair,
lorsque le dieu enfoui dépose la chair engourdie !

Oh ! La force,
l’intuition fulgurante,
comme un raz-de-marée qui emporte fétus d’hommes risibles.
Ce long remuement libérant ses entrailles.
Et cette brise !
Cette brise sur l’étendue !
Car l’âme a besoin
de la chair pour s’épanouir en lumière,
et la vague porte en creux l’infini qui la frôle.

Que serait l’aube, sans l’homme qui l’attend et qui l’admire ?
Que serait l’homme, sans l’aube aux lèvres qui l’attirent ?
Miracle ! Miracle de l’Ode adossée à son plus grand texte !
Strophes lumineuses,
houles propices,
houles persiennes,
qui établissent, humaine et pure, une nouvelle aune du sensible !

Et toute la mer convoque, ô Poète,
toute la mer colporte, aux portes du sublime,
le Grand Effroi
le Grand Emoi
dont ton Poème a consacré l’hommage,
dans cette évocation des Reines
confiées sans fard au veuvage de leur corps.