Hommage à Saint-John Perse (IV)


Appelant tout chose, je récitai qu’elle était grande
(POUR FETER UNE ENFANCE, II)



Ô douceur épurée,
imminente sainteté,
immédiate rareté,
cette levée en nous d’une émotion si forte
et tellement vraie – car le corps ne triche pas –
cette levée en nous d’une émotion si pure
et tellement juste – car le corps ne se laisse pas pervertir.
Une telle grâce qui croît de se sentir croître,
comme un parfum s’instruit de sa propre dilatation.
Poème du Souffle et de l’Esprit.
Poème du Songe et de l’Ecrit.
Aux amarres du cœur, l’arraisonnement du Monde.


Et tout l’attirail des rois,
honneur et gloire,
masques de guerre et chants d’adulation,
largesses courtisanes,
toges cérémonielles,
ordres gravés sur les Tables,
semences de vie et sentences de mort,
tout ce qui pense,
tout ce qui danse,
tout ce qui pleure,
que tout concoure à tes luxuriantes métamorphoses,
rythmes d’insectes,
floraison de perruches,
corbeilles d’amandes,
forêts équatoriales,
lignes de chance et paumes d’amour,
que tout échoue dans tes rets poétiques,
et nous pousse,
rassemblés,
à balbutier la Mer
dans la chair devancée à chaque désir.


Prince poète,
poète princier,
toi qui t’ouvris à ceux-là simples qui dansaient,
ô Saint-John Perse,
tes mots en nous résolvent chaque méfiance.
Immense l’émoi
en ces trop rares instants
qui disent
qui disent l’homme dans l’insoumission de sa chair
en ces trop brefs instants
qui disent l’homme dans l’insurrection de la mer !


Espérance universelle
et
présence singulière !
Oui vagues d’un bonheur d’estuaire.
Et l’homme constitué dans l’ignorance
– l’homme restitué dans l’innocence –
que l’homme reprenne goût au sel de son âme !


Ô plaie si douce à mettre en mots,
Poème,
Consolation comme un nom
enfin apposé
sur la maladie démasquée.