Hommage à Saint-John Perse (VI)


…par la grâce enfin d’un langage où se transmet le mouvement même de l’Etre…
(Discours de Stockholm).



« Présence du vent, nous t’invoquons. »
Sous les strates de la conscience,
dans cette narration sans fin
qui est mouvance de
l’Etre en gestation, en mutation,
tout en nous cède,
tout en nous flambe jusqu’aux étables de l’innocence,
car ce n’est pas la Nuit qui gronde mais l’Envers du Jour,
grande sourde souffrance sous la carence du Divin.

Et l’érudition ne serait rien
sans l’exposition de sa naissance
et l’énumération ne serait rien
sans la prémonition des sciences.
Cortèges,
défilés,
parades,
ô Saint-John Perse
ta victoire fut bien celle d’un homme
voué au souffle de l’instant.


« Présence du sang, nous t’implorons. »
Car le soir n’est jamais plus rouge qu’aux tranchants du ciel.
Le bonheur le plus pur - est-ce un signe ? - est-ce un songe ?
- toujours se résout dans une mystérieuse mélancolie.
Et toujours l’échéance humaine nous ramène
à l’extase arpentée dans la faim.

Car le Monde que tu suscites, ô portier,
est resserrement de la beauté.
Car le Monde que tu récites, ô sorcier,
s’écarquille au tressaillement du jour.
Liturgie de la parole poétique,
consécration du ciel
qui fait entendre si haute la prophétie de sa naissance
au cœur des hommes sans continents,
jusqu’au pays prochain de leur conscience.


« Présence du temps, nous t’assiégeons . »
Car c’est la vie qui s’allonge
dans le ruissellement des eaux,
ô présages offerts à fleur de mots,
quand toute la Mer vient s’ajuster
aux défaillances de ses grands fonds !

Et toute la Mer pleure,
toute la Mer rit
quand ses larmes,
quand ses cris
hypnotisent le feu,
versets authentiques d’un ouvrage salutaire,
strophes sublimes d’un servage altier,
hommage d’un soir
calligraphié dans sa fragilité !


« Ô seule Présence, ô pure, ô vraie Présence ! »