Hommage à Saint-John Perse (VII)


Ecoute, écoute, ô mon amour,
le bruit que fait un grand amour au reflux de la vie
(CHANT POUR UN EQUINOXE, CHANTE PAR CELLE QUI FUT LA).



Et la mer est dispensée,
dans la probité de son colportage,
et la mer est distinguée
dans la nudité de son clapotage,
beauté née du hasard
qui hait le désordre,
beauté née du brouillard,
faille déroutée,
aube enfantée
dans le miracle solaire d’une rencontre
préparée par les siècles.


Comme une houle immense
tire à sa chance
le corps d’une femme désirée,
frêle récif au creux des eaux,
comme une foule immense
tire à sa hanche
l’orage d’une femme décimée,
frêle esquif au gré des peaux,
ta fièvre saline,
ô Saint-John Perse,
lève les sangs
d’un miracle accordé à l’aveu de ses chairs.


Frémissement sublime,
fluidité de l’Ode,
ferveur qui organise
les mille rondes de sa genèse,
oui rumeur qui oriente
la partition de l’Univers.


Et ce peu de requête
est saveur d’ignorance,
et ce peu de conquête
est faveur d’innocence.
Ô hymne savamment balancé,
comme un silence à la corde de la chair !
En nous le sacre de l’alliance,
quand il ne nous incombe plus que de guetter
l’éternité dans sa clairière d’étonnement.


Et Poésie, qui tant nous tient lieu d’espérance
sobriété toute emphase,
Fables que l’on foule au gré des grandes traversées,
solennité toute en phrases,
fraîcheur comme l’eau dans l’élan des rivages,
passion au bout des doigts
où frissonne l’attente.
Ô langage plus fort que la césure du dogme,
Parfait stratagème d’une vérité
soumise à sa scrupuleuse parole.


Et celui qui maîtrisa une telle langue
fit descendre les cieux sur la mer
et celui qui détruisit une telle gangue
fit entendre les dieux sur la terre.
Ô poète du plus grand Texte,
élève pour nous le ton des confidences
élève en nous le son de ton chant
quand sur nos âmes explose soudaine
la splendeur d’une vague arrachée nue à la Mer.