Hommage à Saint-John Perse (VIII)

…Le soir descend dans la fumée des hommes…
(IMAGES A CRUSOE, LA VILLE)



Ce qui s’accueille dans l’intime se partage dans l’extase.
Force !
Force à la marge !
Ô mer mythique,
ressac de l’homme déporté,
ô mer antique
du sel déposé sur la plage.


Et la chair n’est plus ce nœud de souffrances,
creuset du Tragique élagué de ses preuves,
mais la chair est douce et déliée
plus vaste que la mort,
affrontée,
rejetée
repoussée à ses sentes de citadine.


Un même frisson dans la ferveur,
une même saveur,
sous les foudres du drame,
dans les labours et les conciliabules,
la chair ardente dans ses rondeurs !
La chair suprême et familière !
Et l’éternité n’est-elle hélée
que par le souffle qui ourle la Mer ?
Et l’éternité n’est-elle scellée
que dans le ciel que le soir irise ?


Car l’Etre même n’a plus de fond
- mais se donne immense dans le baiser d’une Reine -
et les eaux s’ouvrent en pleine gloire
quand le cérémonial des vagues porte dessein d’existence.
Par les transports et les transes de l’ode,
par les salves de notre assentiment,
par le trouble de vivre et de renaître,
la Mer à l’apogée de la parole,
le Monde dans l’exil des rires,
Ô Maître d’une émotion
d’avance accordée à son vocabulaire,
ta sublime dictée nous convoque à la Joie.
Et notre fierté est simplement d’aller
au pas de l’ode triomphante.


Par la surabondance de ton style,
par l’orgueil qu’il fomente,
par l’emphase même de ton Art,
ô Saint-John-Perse,
ta prose est œuvre et preuve de vie,
ton souffle est ligne et signe d’existence,
hymne d’opulence,
grandioses strophes luxuriantes parées pour notre émerveillement.


Ô crue,
ô fulgurance
qui happe l’homme dans l’ampleur de sa genèse.
Magnifique parti pris de la poésie,
dans l’œcuménisme d’une vérité sans bornes !
Comble d’or jusqu’aux nues
qui tire l’âme des constellations de sa souffrance.
Grandeur dans la sobriété,
tu es amour né de l’amour,
- montant comme l’Océan sous les cycles lunaires,
- montant comme la Femme dans ses apparats solaires
comme la Mer délivrant sa splendeur dans la convulsion des marées !