Hommage à Saint-John Perse (X)


Ô toi qui reviendras, sur les derniers roulements d’orage…
(VENTS, II, 4)



Beauté sanctifiée,
beauté qui prend le spasme du Monde,
beauté qui rend le sacre du Monde,
car c’est là ta promesse,
ô Saint-John-Perse,
oui c’est là ta prouesse,
sous les strates d’une langue frappée de splendeur,
le dépouillement du Sublime dans l’épopée du Tout.


Par l’intime qui rejoint l’humain
dans ses failles, ses réticences,
dans ses drames aussi parfois,
ô Poésie, ô signe de la grandeur partout qui s’épanche
sous la dilatation de tes pages absolues,
l’enchantement au-delà de tout entendement.
Ô passion ensemencée de lumière,
versets authentiques d’une identique ferveur,
toute la Mer dans l’ébriété de ses vagues
qui coulent libres vers l’estuaire de leurs aises,
dans la grâce fragile
d’une beauté à perte de mots.


Et loué soit celui qui, dans les hauteurs de son chant,
a trouvé l’audace d’établir une parole
- signature de l’Etre -
dans la fermentation des tempêtes marines.
Honneur, honneur au décodeur de songes et de serments !
Que cherchions-nous en pleine mer ?
Que cherchions-nous quand il suffit de puiser à pleines mains ?
Ô profusion, ô richesse,
quand toute mesure est démesure,
quand toute vie est tressaillement de chair
et miracle d’écume aux équations du Ciel !


Et nos peaux s’enduisent de tes vagues
comme nos corps de la rosée de la femme,
fruit noir au creux de nos reins,
Et nos peaux s’enivrent de tes vagues
savamment avancées,
savamment cadencées,
toute une grappe traversant nos sens
comme les premiers baisers d’une amante parfumée
forte dans l’extase autant que
belle dans la dédicace de sa chair.


Et plus encore dans la synthèse que dans l’énumération,
poète qui sus lire à pleines pages le songe de l’Univers,
ton audience est celle immense de l’amour.
Plus large ton répertoire,
et plus pointue ton intelligence,
ô passeur, ô traqueur de vérités profondes,
instigateur de la plus haute introversion,
inspirateur d’une ferveur promise à la divulgation !


Comme un centenaire habité des souvenirs d’une vie multipliée,
lorsque au fond de ses yeux s’embrase la vieillesse du jour,
avec cette fièvre qui affole les vents,
avec ce feu qui attise les sangs,
– ô Saint-John Perse le Lyrique –
la voix gorgée de mots étranges et envoûtants
avec cette fièvre,
avec ce feu,

te voici à jamais épié
dans l’envol de tous les oiseaux du Monde…