Camille Claudel



L’artiste que la nuit comble est un fou qui possède la vérité des orages.
Son énigme précoce, il la prélève sur sa fureur de vivre.
Et s’il s’abat sous trop d’éclairs,
c’est qu’il a livré au monde sa destinée la plus rageuse.
Son âme plaquée sous la glaise,
il faut qu’il la saisisse,
il faut qu’il la malaxe,
qu’il la prolonge du même élan qui emporte le corps du haut de la falaise.
Ses gestes le condamnent à l’exténuation de ses désirs.
Ainsi, d’une seule traite, d’un seul souffle,
naquit, vécut, mourut Camille Claudel.


Et s’il pleure du sang sur nos joues,
qu’il coule noir sur la dalle de sa mémoire !
Car l’incontinence du génie,
car l’affolement du miracle
déshabillèrent jusqu’à l’obscénité cette grâce forcenée.
Oui, Camille, cette violence dans ta ferveur fut le choc nécessaire
pour te libérer des profondeurs.
Tant de tourments composent au ciel un continent agglutiné à sa splendeur.
Le ciseau sur la pierre inscrivit à même ton cœur sa plus profonde blessure :
la stupeur d’une vie humaine confrontée à sa raréfaction.


Or la grandeur est celle même qui tremble dans le sillage des douleurs.
Or la beauté est celle pure qui brille dans les cristaux d’une mer évaporée.
Et le Soleil dans sa giration,
faut-il qu’il t’ait brûlée pour que subsiste en nous le goût de l’âme !
Ô Camille, ta gloire proclame le règne posthume des crépuscules.
Plus douce et plus vraie dans la mort, ta nudité de scarifiée nous hante,
quand l’humilité convoque l’immensité pour s’abreuver de plénitude.