Prière



Mon Dieu !
Rien ne peut s’atteindre qui ne cesse de s’accroître.
Et la lutte est là en pleine rage,
le combat tout ici contre soi-même.
Car rien de grand ne s’atteint
hors le souvenir,
hors la souffrance.
Nulle mesure sans démesure.
Et ce cri trop lourd déjà vacille
déjà dévasté depuis l’intérieur.


Tout se délite qui se démène
comme cette lumière à l’assaut du jour,
comme cette folie dans l’immunité du songe.
Rien ne compte qui ne compte déjà plus
à cet instant même où ma bouche empâtée
laisse échapper trop loin ces mots trop durs
et cette pureté me fait peur qui me cerne,
cette pureté d’un éclair entrevu.
Nul ne peut l’effacer qui l’a un jour rencontrée.
Nul ne peut l’oublier qui l’a aussitôt aimée.
Et cette vérité est un sursaut magnifique
dans les rouleaux trop vastes d’un moi qui s’abîme.


Car, Seigneur, l’homme ne se remet pas de ta splendeur.
L’homme ne se laisse pas mettre à nu
s’il n’est pas tailladé sous les coups de malheur,
s’il n’est au fond d’un puits d’infortune.
Et la nuit seule est si douce qui défait toute mémoire
Le soir n’est pur que par le chant des oiseaux
qui allègent l’insurrection de sa puissance
pour devenir ce petit lait qui s’envole et s’élève.
Et ne demeure au ciel que le suspens d’une question sans réponse.


Mais la douleur quand même !
Mais l’héritage du soupçon !
La force là qui s’enlise !
Et le songe n’est pas réel mais véridique
Et cette vérité toute seule est la joie qui s’embrase
dès qu’elle habite, dès qu’elle enlace l’autre
par le cœur et par les mains
par le corps qui oscille et s’échauffe,
et le feu est aux tempes comme une chance de survivre.
L’unique preuve, l’unique risque,
C’est celle d’une force si haute qu’elle tient tout le Poème.
C’est celle d’un rire dans les hésitations et l’éclat du monde.
Et la nuit abasourdit le ciel jusqu’à la splendeur
comme un corps épars sous les baisers
comme un corps déchiré
qui dépose sa rage et son histoire
pour le pardon et le parfum des roses
pour l’étoile nue pour cette pointe secrète au cœur
qui multiplie la vérité et l’espérance
qui multiplie l’humain
dans la déflagration d’un baiser
rouge du printemps dans la douceur et la confiance des bougeons.

Et je sais, mon Dieu, oh combien je sais
que ma vie ne vaut que pour son horizon suprême.
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