Poésie



S’adonner à la parole, c’est s’éprendre d’une beauté qui ne pourra jamais passer.
Rien n’y prépare que l’hommage rendu à la terre,
l’hommage à genoux,
celui qui ne s’embarrasse d’aucune cérémonie
et refuse toute parade.
Sans mots, aurions-nous vraiment vécu ?
Sans le cri, sans la fièvre, sans le don, aurions-nous vraiment aimé ?


Le choc du sensible, qui établit l’homme, dégrafe ses blessures.
Sa raison y doit tout entière succomber.
La chair n’éclate que libérée du joug de la pensée.
L’émotion irrigue, submerge, elle supplante l’intelligence.
Tout pur génie finit par céder aux courants qui l’emportent au grand large.


La souffrance se nourrit des silences de l’intime.
Mais que l’homme se laisse déporter,
et ses trésors de patience, d’opiniâtreté
délivreront ses puissances de créativité,
embaumeront la plaie qui cristallise blanche.

Cet homme broyé de contradictions,
cet homme suffocant d’indigence,
qu’un mot toujours le précède
sur son chemin de transhumance !


Tout éclair n’accomplit qu’un instant trop court.
Ce qui seul reste, c’est ce qui trépigne,
ce qui palpite et cherche coûte que coûte à passer.
Et comment cela ne tournerait-il pas au vertige ?
Et comment cela ne tournerait-il pas au poème ?

La splendeur est enfin ce qui chuchote quand tout se tait,
ce qui impose le ciel en dédaignant toute preuve.


La beauté à l’échéance du feu, c’est cette folie qui transcende l’homme
dès qu’il consent une seule minute
à laisser monter en lui
LE LANGAGE.