Comment je m’endors

Brûlante comme l’alcool, la nuit chatouillait la masse alanguie de ce corps déversé dans la splendeur de ses rêves. Elle s’était allongée dès le premier soupir de sa défaite, jetant sa jeunesse éparpillée parmi l’échevellement de ses souvenirs. Sa rondeur laissait apparaître comme un doux repentir sur l’épanouissement de son sourire. La largesse de cette peau égrenait une blancheur voluptueuse, conciliant dans chacun de ses gestes l’ardeur du désir et l’éclaboussure des sens. C’était une chair magnifiquement présente, généreuse comme un verger, gorgée de fragrances exotiques.

Un à un ses membres se déliaient, confiant leur étoffe à l’élan de mes doigts affamés, tandis que je mordillais cette chair prodigue de ses atours. Elle était splendide et nue, reine de cet instant sublime où son corps tout entier exultait dans l’indolence d’une pose calculée. Répandue dans ses marées, elle précédait la nuit de sa douceur étoilée. Son être entier palpitait d’aise. Son éclat transperçait l’abîme que mes mains colmataient de caresses.

Elle était donc nue et disséminée entre les joncs de mes membres défaits, tout étonnés de recevoir l’offrande d’une telle beauté dans le ressac de leurs étreintes. Elle y respirait fragile et abandonnée, blottie contre la disette de sa mémoire. Le chatoiement de sa fièvre éclaboussait ses joues enflammées, tandis que l’assentiment de sa peau déclenchait mes orgies de baisers.

Voici enfin qu’elle distille d’étincelantes gouttes de sueur dans la nuit de ses derniers regards. Doux à perte d’amour dans l’égarement des bras, les seins coulent splendides sur son buste décontenancé. Puis la grâce doucement caresse et referme cette splendeur parfumée.

Et c’est ainsi que je m’endors chaque nuit entre les bras d’une fidèle inconnue.