Et soudain




En hommage à Paul Claudel


Et soudain j’ai vu la splendeur.
Face-à-face, moi qui ne suis qu’un homme
Moi qui suis faible et lourd
J’ai vu la splendeur.


Et rien ne m’y préparait, ni le jour taciturne, ni la nuit insomniaque,
Ni ces orages ravalés dans la trouée des vents,
Ni ces choses mal écrites qui vous laissent livides, la désolation toute fumante sur la plaie de la chair.


Et ce fut comme l’éclair, comme une phrase qui ne s’éteint pas, et la flamme pourtant penche sur la mèche assaillie, le souffle tire à l’heure de succomber.
Ce fut comme l’éclair.


Et soudain le jaillissement du ciel dans l’enfer, le scintillement d’une crête sur la mer, et soudain tout devint simple et pur, comme une fièvre heureuse, comme une intuition qui n’aurait pas besoin de preuves.


Cet assaut tendre et libre, cette brise telle qu’en nous-mêmes cette force debout qui nous façonne,


L’âme habitée, l’emprise de la hauteur sur toute l’âme,
Et l’ivresse comme une vérité qui jubile,
Les yeux comme l’été qui s’ouvre,
Comme le jour qui s’écoule sur les premiers vallons étourdis.


Mais je ne suis qu’un homme. Et je n’ai rien vu venir. Et aujourd’hui encore je ne comprends pas. Et aujourd’hui encore je ne peux pas comprendre.
Aujourd’hui moins qu’hier dans la nuit terrible et fermée. Mais y a-t-il quelque chose à comprendre ? Quand la grâce est telle qu’elle vous arrache de terre, quand c’est de telle beauté qu’éclate le mystère !


Et l’émotion qui gagne. Et l’émotion qui cède. La face nue contre la face nue, l’émotion telle qu’on la pleure. Mon Dieu, qu’il est juste de pleurer ! La vie est si haute et l’homme si faible. Qu’il est doux de pleurer ! Et ces larmes-là sont celles mêmes qui saignent, et ces larmes-là sont celles mêmes qui fondent. Et moi si faible, je me souviens du face-à-face. Debout dans la douleur, je me souviens de la présence qui parle.


Les mains assaillies, les lèvres assoiffées, la tête empesée, j’ai vu jaillir la splendeur. Oh il suffit d’une fois - il suffit d’une seule fois pour croire. Il suffit d’une seule fois pour aimer. Et tout cela pour le grand oui qui tremble. Tout cela qui cède et vire à la grandeur. Je me souviens d’une aube, d’une rose et du vent. Je me souviens du face-à-face.


Je me souviens d’un rire qu’on ne peut plus contenir.
Je me souviens d’une vérité qu’on ne peut empêcher
de grandir…

et chanter !