Scribens




Se dépouiller dans la grâce.
Et dans la grâce, ne répondre
qu’à l’appel du jour.
Ne chercher ni remède ni subterfuge,
mais se soumettre
tout entier
au ruissellement de la lumière.
Se fondre dans les modulations du ciel.
Soutenir un corps assailli de mystère.
Ecrire cela,
retranscrire fidèlement les confidences du sublime,
répéter mot à mot l’acquiescement du réel.


Ô prodige, ô hauteur du vivant !
La jeunesse égaillée, les dons éparpillés,
comme on les éprouve à l’intersection des chairs !
On les étreint dans le sanglot des songes,
on les honore dans la patience des rides,
on les héberge dans la sagesse des étoiles.
Ô pur délice de l’esprit
dispensé de comprendre !


Se dépouiller dans la grâce.
Relâcher une à une les défenses.
Récuser la raison.
Livrer le corps à l’abondance.

Et cette tendresse inouïe,
sentons-nous l’infusion de son existence brute ?
Palpons-nous cette chaleur
qui nous enveloppe de son intimité ?

Il s’agit de bifurquer dans sa psyché,
il s’agit de grandir dans toutes les strates du sensible.


Ah ! Ce contact avec notre âme même,
ses transports, ses arpèges !
L’assaut de l’intuition !
L’extase d’une pure ascèse !
Cette urgence qui nous déshabille et nous façonne,
cette vérité si forte,
cette vérité si seule
qu’elle se met à hurler sur la page.


Se dépouiller dans la grâce.
Et, dans la grâce, équarrir les escarres du doute,
consoler les lèvres de toute souffrance.
Goûter l’aisance de se laisser rejoindre.
Chérir le reflux de chaque meurtrissure.
Fréquenter les indices.
Rendre hommage à l’immense.


Nudité de l’être.
Nudité de l’écrit.
Flammes entortillées dans leurs ressemblances.
Qu’elle est belle, la lumière de leur transparence !
C’est une coulée qui court
à l’étendue du partage.
C’est un fleuve accordé
à l’effusion de ses rives.
Une page
ouverte sur
la fragilité
démaquillée.