Fragilité



Il y a, dans la fragilité de l’homme, une part irréductible qui tient précisément à son noyau mortel, à sa frayeur inavouée, à sa blessure insupportée. C’est pour cela qu’une seule parole peut le tuer, qu’un mot, qu’un simple mot peut l’anéantir à la source même de son être. Cet homme broyé, insulté de lucidité, d’autant plus atteint qu’il est lucide, d’autant plus pathétique qu’il est brisé, c’est dans sa petitesse même qu’il émeut, c’est dans le plongeon au coeur du drame qu’il peut brandir toutes les ressources de son humanité.


Et s’il ne parvient pas à comber l’abîme par ses fièvres, si ses colères, ses révoltes ne peuvent porter le monde au rang de ses vertiges, que ce soit par sa faiblesse qu’il touche au sublime, que ce soit par sa nudité qu’il frappe à l’immense.


Ô dieu dans la défaite, ô monstre d’inconséquences, combien te faudra-t-il encore d’intrigues et d’humiliations pour consentir au souffle de ton infirmité si puissamment fécondée ?