Bains (1)

Masse qui flotte à se délier.

Il semble que je renaisse en cette fluidité essentielle, où mon corps sans ombre se meut dans les circonstances inouïes de son apesanteur. Retour à la ferveur virginale, à la pudeur nettoyée. Une purification muette s’achève en profondeur.

L’immersion est totale, salvatrice.

L’eau qui épouse et endort la peau,
l’eau qui affleure au regard,
l’eau dilue mes moindres réticences.

Pas un geste qui n’échappe à cette chaleur miraculeusement préservée.

Soudain le corps se retourne et emporte le Monde. Tout entier le bain s’éclaire, déclenche cette fertilité de bulles et de vagues, éclabousse ce qui un instant plus tôt n’était encore qu’insomnie et langueur.

Surgi de nulle part, un frisson rampe sur les jambes, rameute le ventre, remonte les hanches, jouit de la promenade des épaules à la nuque assiégées.

Réminiscences utérines. C’est l’éblouissement du feu, l’extase d’une compréhension charnelle des choses, les délices d’une peau écoutée par l’eau attentive.

La chaleur peu à peu abolit les membres.

Le corps déborde ses limites fatiguées.

Pénétrer l’étendue, revenir à la surface, petit à petit restituer et hydrater le centre. Sensation suprême. Sensation infinie.

Une conscience émerge de cette présence instinctive.

Quelque preuve de l’Être se laisse donc toucher là ?

L’eau et le corps ne sont plus que les mêmes gestes d’un rite
sacré.